L'exposition

Publié au début de l’été 2021, le livre Sauvage a donné lieu à une exposition in situ dans le village de Saorge. Conçue comme un jeu de piste, cette exposition est aussi un prétexte pour explorer et découvrir le village, et la région où ont été produites les toutes premières photographies du projet en 2017.

Soutenue par la bourse Transat des Ateliers Médicis, l’exposition a été lancée dans le cadre du festival Les passeurs d’humanité le 13 juillet 2021. Ce soutien a permis un réel travail de médiation auprès des habitants du village, en amont de sa mise en place.



Les photos in situ

Trente images sont disséminées dans le village de Saorge et dans les alentours. Conçue comme un jeu de piste cette exposition propose sur chaque panneau un indice pour trouver l'image suivante. Retrouvez ici tous les lieux d'implantation.

Cliquez sur chaque image pour en voir les détails.



Avant

En Avril et Juin, deux visites au village de Saorge ont permis de faire un repérage des lieux, et surtout de présenter les photographies, et le projet d’exposition. Accueillies par Olivier et Véronique de la Librairie du Caïros, plusieurs réunions ont permis de présenter la démarche, les photos et le projet d’exposition in situ.

Ces discussions avaient pour but d’inclure les résidents dans le choix des photos qui aillaient se retrouver sur les murs de leur village, et de recevoir leurs suggestions en termes de lieux d’accrochage.

Peu habituelle dans ma démarche, cette étape de médiation a été passionnante dans ce qu’elle a apporté d’inattendu au projet, et permis à l’accrochage d’être plus intelligent. Comment aurais-je pu penser à accrocher des images dans le tunnel ?!

Un petit groupe a même contribué à l’invention des indices pour le jeu de piste qui allaient mener les visiteurs d’une photo jusqu’à l’autre, de la première à la trentième.



Pendant

Cette expérience participative a été prolongée pendant les cinq jours qu’on nécessités l’accrochage réel de l’exposition. Les indices associés aux images, il n’était plus question de changer les emplacements, mais de faire des accrochages définitifs, amenés à tenir tout l’été.

Armés d’une échelle, de ficelles, et clous et de ciseaux, ça a été la course à travers les ruelles bien inclinées de ce village accroché à la montagne. Bien sûr il a manqué du matériel, mais les voisins nous ont dépanné. Parfois il manquait de main d’œuvre et ce sont alors les passants qui prêtaient main forte.

Cette implication locale a fait de chacun un ambassadeur du projet auquel il avait contribué. Comme cette épicière qui m’avait prêté du fil et qui vit débarquer dans sa boutique une famille en panique :

“ Vous savez où est l’image 17 ? On ne trouve pas la 17 ! ”

J’ai entamé l’accrochage aux points les plus visibles : la librairie et le café. Points de rencontres et de passage à l’entrée Ouest du village. J’ai fait le choix de me confronter ainsi dès le début au regard et de provoquer les échanges, comme celui-ci lors de l’accrochage de l’image 5 :

“ Elle est belle cette photo. Et surtout on ne sait pas trop ce qu’elle exprime. Est-ce que c’est un geste de peur, ou de protection ? Est-ce qu’il veut prendre le paysage ou le garder à distance ? Sans la main, la photo n’aurait pas grand intérêt. ”

Le bruit circule vite de l’accrochage en cours, et les rencontres dans les ruelles deviennent de plus en plus sympathique avec des mots d’encouragement ou des compliments sur les images déjà en place. Jusqu’à ce moment surréaliste où alors que nous accrochions une image importante place de la République jaillit d’une fenêtre non identifiée un vigoureux :

“ Mais qu’est-ce que c’est beau ce que vous faites ! ”

Mais il y a eu de la friction aussi, comme avec Philippe qui me reproche une erreur sur un de mes panneaux. On s’assied, on discute, on s’écoute et on se quitte bons amis. Quelques jours plus tard, alors que je le croise dans le tunnel il me dit avoir à nouveau regardé les photos, « sans les préjugés que j’avais eu avant qu’on en discute » et il a apprécié. Il m’invite à venir passer une soirée chez lui avec ses ânes.



Après

L’exposition est restée deux mois d’été sur les murs du village et des alentours. Les bâches ont tenu bon, ni le soleil ni la pluie ne les ont fait pâlir. En dépit de l’accompagnement bienveillant des habitants, certaines se retrouvent bouleversées. Et puis il y en a quatre qui manquent. Les cordes coupées attestent de gestes volontaires. Gestes d’amateurs d’arts en manque d’œuvres sur leurs murs ? Gestes de paysans qui avaient besoin de protection pour leurs tas de bois ? Tout me va. Tout est utile. Et me voilà à arpenter une fois encore les rues pour libérer les murs, et nettoyer les accroches. Mais certains demandent à conserver les photos sur leurs façades. Bien sur, avec plaisir, et honneur. Ce moment de décrochage est aussi celui des derniers retours sur le travail :

“ On a redressé et rétabli les photos pendant tout l’été. Moi j’ai tout regardé, et j’ai bien voyagé ! En revanche Raymonde, elle, elle n’aime pas trop, mais elle a 87 ans et elle n’a jamais trop voyagé. ”
Dominique
“ Ton travail me touche, et il ouvre sur des choses que je ne connais pas. Et surtout il nous sort la tête de la vallée, ça fait du bien. ”
René
“ Les réactions à ton expo s’intègrent dans les paradoxes de ce village : des gens qui veulent qu’on les laisse tranquilles, qu’on ne parle pas d’eux, mais qui sont ensuite fâchés quand on parle d’autre chose. Certains ne comprenaient donc pas l’intérêt d’une expo qui ne parle pas de la vallée. ”
Anouk

Alors que j’étale les photos sur le place de l’église pour leur permettre de sécher des quelques averses du jour, c’est l’occasion d’une ultime visite pour les habitants du village et d’une découverte tardive du travail pour les touristes du jour. Les bâches récupérées ont été confiées à Emmaüs Roya, qui les a partagées avec l’association italienne avec laquelle ils travaillent à la protection des réfugiés du côté italien de la frontière, à Vintimille. Les bâches vont simplement leur servir… de bâches pour construire des abris en cas de besoin.